Depuis le coup d’État en 2014, l’armée a considérablement renforcé son pouvoir au sein de l’appareil étatique. Son contrôle sur la société a rarement atteint un tel niveau d’emprise dans l’histoire moderne de la Thaïlande. Aujourd’hui, l’armée thaïlandaise est un “État dans l’État” possédant son propre fonctionnement et ses propres réseaux. Depuis 2006, les liens entre l’armée et la société civile sont profonds que jamais. De nombreux spécialistes s’accordent à dire qu’il y a eu une militarisation de la société qui a favorisé l’émergence du coup d’État de 2014 et offert à l’armée une occasion parfaite pour s’installer au pouvoir. Un exemple concret de cette militarisation de la société est le système judiciaire qui a subi une militarisation lui aussi. Pendant la période transitoire, les tribunaux militaires ont pris la place des tribunaux civils après le coup d’État. Ces tribunaux ont multiplié les jugements et les arrestations pour crime de lèse-majesté et sédition.
L’armée, gardienne de la démocratie à sa façon :
Il est difficile de parler de démocratie en Thaïlande. Il est préférable de parler dans le cas du royaume d’une démocratie tutélaire. Selon Adam Przeworski, une démocratie tutélaire est « un régime ayant des institutions compétitives, formellement démocratiques, mais dans lesquelles l’appareil d’État, typiquement réduit aux forces armées, garde la capacité d’intervenir pour corriger d’indésirables états des choses ». L’armée a donc la capacité de punir les gouvernements quand ils sentent que cela est nécessaire, tout en préservant un certain de démocratie. Par exemple, après le coup d’État de 2014, l’armée a organisé des élections 5 ans après. Ils n’ont pas gardé le pouvoir indéfiniment comme en Birmanie.
L’armée est donc la garante du système politique thaïlandais actuel. Elle peut si l’envie lui chante se débarrasser des gouvernements qui ne leur vont pas. Pour éviter un nouveau cas comme Thaksin, l’armée a renforcé ses pouvoirs en faisant en sorte que toutes les institutions du pays soient gouvernées par elle, et elle seule. Ensuite, la junte militaire a militarisé la bureaucratie. Des centaines d’officiers militaires se sont retrouvés nominés à des postes clés. Tout l’appareil étatique de la Thaïlande est donc aujourd’hui sous contrôle de l’armée. Avec l’aide du roi, les militaires ont aussi accès à une importante source financière qui leur est utile dans leur maintien au pouvoir.
Depuis 2014, l’armée thaïlandaise a fait passer en masse des mesures liberticides comme la loi sur la cybercriminalité qui permet au gouvernement de surveiller les discussions et les communications électroniques. Pour le futur, tout laisse à penser que l’emprise des militaires sur le pays ne va que se renforcer. La coopération entre la monarchie et l’armée est plus forte que jamais. Les libertés en Thaïlande vont être limitées et l’autoritarisme de l’armée va se renforcer. Un retour vers une véritable démocratie est très difficile à imaginer dans le pays maintenant, surtout quand les instigateurs du coup d’État de 2014 ont remporté les élections de 2019.